# Maître Liu vous parle : Les pièges fiscaux à Shanghai pour les entreprises étrangères Bonjour à tous, je suis Liu, avec 12 ans d'accompagnement des entreprises étrangères chez Jiaxi Fiscal et 14 ans d'expérience dans les procédures d'enregistrement. Aujourd'hui, je voudrais échanger avec vous autour d'un sujet qui, je le vois trop souvent, cristallise les inquiétudes et les erreurs des investisseurs internationaux à Shanghai : **les points de risque courants en matière de conformité fiscale**. Shanghai, plaque tournante économique, attire chaque année des milliers d'entreprises étrangères. Mais derrière les opportunités se cache un environnement fiscal et réglementaire complexe, en évolution constante. Se lancer sans une cartographie précise des risques, c'est un peu comme naviguer dans le brouillard sur le Huangpu. Beaucoup de dirigeants, focalisés sur le business et le marché, sous-estiment la dimension fiscale, considérant parfois que c'est une simple « formalité ». Grave erreur. Un manquement, même involontaire, peut entraîner des redressements substantiels, des pénalités, une atteinte à la réputation, et dans les cas extrêmes, compromettre la viabilité de l'opération en Chine. Cet article se base sur notre expérience de terrain pour décortiquer les angles les plus sensibles. Mon objectif ? Vous donner des clés concrètes, tirées du réel, pour transformer la conformité fiscale d'une contrainte perçue en un pilier solide de votre développement à Shanghai.

Transfert de bénéfices

Le premier écueil, et non des moindres, concerne les prix de transfert, ou « transfer pricing ». Pour une entreprise étrangère à Shanghai, les transactions avec sa maison-mère ou d'autres entités du groupe (redevances, services managériaux, ventes de matières premières, prêts...) sont monnaie courante. Le risque est de fixer ces prix sans considération de la réalité du marché, simplement pour « optimiser » le résultat fiscal en déplaçant artificiellement les bénéfices vers des juridictions à faible imposition. Les autorités fiscales chinoises, et particulièrement celles de Shanghai qui sont très aguerries, scrutent ces pratiques avec une attention croissante. Elles disposent aujourd'hui d'outils sophistiqués et de pouvoirs étendus pour contester les prix et réajuster les bénéfices imposables. Je me souviens d'un client, une PME allemande dans la mécanique de précision, qui facturait à sa filiale shanghaïenne des services R&D à un prix forfaitaire annuel très élevé, conduisant systématiquement la filiale à des pertes. Lors d'un contrôle, l'administration a exigé la documentation complète justifiant ce prix. L'entreprise n'avait pas préparé de rapport contemporain (« contemporaneous documentation ») solide, comparant avec des tiers indépendants. Résultat : un redressement important sur trois années, avec des pénalités de retard. La leçon est claire : toute transaction intragroupe doit pouvoir être justifiée par une analyse de comparabilité robuste, suivant le principe de pleine concurrence (« arm's length principle »). Ne pas le faire, c'est s'exposer à un risque majeur.

La documentation est votre première ligne de défense. Depuis les directives BEPS de l'OCDE intégrées dans la législation chinoise, l'obligation de préparer un dossier de documentation locale, un dossier principal et, pour les grands groupes, un dossier pays par pays, est devenue incontournable. Beaucoup d'entreprises, surtout les petites et moyennes, pensent que cela ne les concerne pas. C'est une erreur de jugement. Même pour des montants modestes, la formalisation et la justification des politiques de prix de transfert sont essentielles. Une réflexion que je partage souvent avec mes clients : considérez cette documentation non comme une dépense, mais comme une assurance. Elle démontre votre bonne foi et votre volonté de transparence vis-à-vis des autorités. En son absence, l'administration fiscale a toute latitude pour procéder à ses propres évaluations, souvent à votre désavantage. Il faut donc anticiper, modéliser, et documenter dès la conception des flux intragroupe.

Déductibilité des charges

Un autre point de friction récurrent touche à la déductibilité des dépenses. Les entreprises étrangères ont parfois tendance à reproduire à Shanghai des schémas comptables et fiscaux de leur pays d'origine, sans vérifier leur conformité avec la loi chinoise. Or, les règles sont très spécifiques. Prenons l'exemple des frais de divertissement (« entertainment expenses »). En Chine, ils ne sont déductibles que dans une limite très stricte (généralement 60% du montant, plafonnée à 0.5% du chiffre d'affaires annuel). Considérer la totalité de ces frais comme une charge déductible est une erreur classique qui ressort immanquablement lors d'un audit. De même, les dépenses sans facture officielle (« fapiao ») émise par un fournisseur enregistré auprès du fisc chinois sont, en règle générale, non déductibles. J'ai vu une entreprise française du secteur de l'événementiel se voir refuser la déduction de plusieurs centaines de milliers de RMB de coûts de sous-traitance, car les factures reçues étaient jugées non conformes ou émanaient d'entités non autorisées à émettre des fapiao pour ce type de service.

Points de risque courants en matière de conformité fiscale pour les sociétés étrangères à Shanghai

Les frais de gestion ou de services facturés par la maison-mère posent également problème s'ils ne sont pas correctement documentés. Il ne suffit pas d'avoir une convention de services. Il faut pouvoir prouver la réalité et le bénéfice économique du service rendu à la filiale de Shanghai, détailler la méthode de calcul du coût, et disposer des justificatifs. Un point crucial souvent négligé concerne les « allocations de coûts » (« cost allocations »). Allouer une partie des salaires du siège ou des frais généraux sans méthodologie claire et sans support concret est un motif fréquent de rejet. La règle d'or est la suivante : toute charge doit être réelle, nécessaire, raisonnable en montant, et supportée par des documents probants émis selon les règles chinoises. Faire preuve de rigueur sur ce point au quotidien évite bien des mauvaises surprises.

Traitement des TVA

La Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) chinoise est un système à part, avec ses propres mécanismes de crédit, de déduction et ses taux multiples (13%, 9%, 6%, etc.). La complexité est accrue pour les entreprises étrangères qui exportent, importent, ou fournissent des services transfrontaliers. Une méconnaissance des règles peut entraîner un surcoût fiscal significatif ou, à l'inverse, un risque de fraude involontaire. Un exemple typique : le traitement des services intra-groupe transfrontaliers. Certains services (par exemple, certains services de gestion, de conseil) fournis par une entité offshore à sa filiale shanghaïenne peuvent être soumis à la TVA en Chine selon la règle du lieu de consommation. Si la filiale omet de déclarer et de payer la TVA en tant que redevable (« withholding VAT »), elle s'expose à des pénalités. À l'inverse, pour les exportations de services ou de biens tangibles, la procédure de récupération du crédit de TVA (« VAT refund ») est très réglementée et demande une parfaite maîtrise des délais et des documents requis (contrats, factures, documents de douane).

Je pense à un client dans la logistique qui a longtemps tardé à demander le remboursement de la TVA sur ses exportations, par méconnaissance de la procédure. Cela a généré un besoin inutile en fonds de roulement. Un autre point sensible est la gestion des fapiao. Une facture (fapiao) est bien plus qu'un reçu en Chine ; c'est l'instrument légal pour déduire la TVA et les charges. Perdre le contrôle sur l'émission et la réception des fapiao (par exemple, accepter des fapiao achetés illicitement pour gonfler artificiellement les charges) est un risque opérationnel et pénal grave. Il est impératif de mettre en place des procédures internes strictes et de former le personnel local et expatrié à l'importance cruciale de ce document. La digitalisation complète du système de fapiao en Chine rend d'ailleurs la traçabilité totale, augmentant les risques en cas d'irrégularité.

Conformité sociale

Si le sujet semble à première vue relever des RH, il a un impact fiscal direct et constitue un point de contrôle de plus en plus intégré par le bureau des impôts et le bureau des ressources humaines et de la sécurité sociale. Une mauvaise déclaration des salaires, une base de calcul incorrecte pour les cotisations sociales et le fonds de logulation (« housing fund »), ou le recours à des schémas de rémunération détournés peuvent déclencher des redressements. Les autorités chinoises harmonisent progressivement leurs bases de données, rendant les incohérences plus faciles à détecter. Par exemple, déclarer un salaire mensuel de 15 000 RMB à l'administration fiscale pour le calcul de l'impôt sur le revenu des personnes physiques (IIT), mais une base de 8 000 RMB pour les cotisations sociales, est un signal d'alarme. La tendance est à l'alignement de la base de calcul sur le salaire total perçu, incluant les bonus et divers avantages.

Un cas réel que nous avons traité concernait une entreprise qui versait une partie importante de la rémunération de ses cadres expatriés via une entité offshore, pensant ainsi réduire la charge sociale locale. Cette pratique, si elle n'est pas structurée très soigneusement dans le respect des règles (notamment sur la distinction entre salaire lié au travail en Chine et rémunération attribuable à l'étranger), est extrêmement risquée. Lors d'un contrôle, l'administration peut requalifier l'ensemble en salaire soumis aux cotisations chinoises, entraînant des arriérés, des amendes et des intérêts de retard considérables. Il est essentiel de concevoir les packages de rémunération, surtout pour les expatriés, en pleine connaissance des règles locales et avec une vision intégrée fiscale et sociale. La conformité sociale n'est plus un sujet isolé ; c'est un maillon de la chaîne de conformité globale de l'entreprise.

Permanence fiscale

Ce concept, souvent mal compris, est une source majeure de risque pour les sociétés étrangères qui ont des activités en Chine sans y avoir constitué d'entité légale. Une « établissement stable » ou « permanent establishment » (PE) peut être constitué par la présence d'un chantier de construction, d'un projet de supervision, d'un bureau de représentation effectuant des activités commerciales au-delà de sa licence, ou même par la présence prolongée d'employés. Si les autorités fiscales déterminent l'existence d'une PE, elles auront le droit d'imposer les bénéfices qui lui sont attribuables en Chine, avec rétroactivité. Les conséquences sont lourdes : imposition sur les revenus, TVA, pénalités, et possiblement une obligation de régulariser rétroactivement la présence (licences, enregistrement).

J'ai accompagné une société de conseil américaine qui envoyait régulièrement ses consultants à Shanghai pour des missions de plusieurs mois chez un client final. Ils opéraient depuis les bureaux du client, sans structure locale. Pensant être en conformité avec leur licence de bureau de représentation (qui interdit les activités commerciales directes), ils facturaient les services depuis les États-Unis. Après plusieurs années, un contrôle a établi que ces consultants constituaient de facto une PE, car ils négociaient et signaient des contrats, et réalisaient le cœur de l'activité depuis le territoire chinois. Le redressement a été sévère. La clé est d'évaluer très en amont la nature et la durée des activités sur le territoire. Il ne faut pas se fier à une interprétation trop restrictive de sa propre licence. En cas de doute, il est plus prudent de constituer une entité légale (WFOE, etc.) ou de restructurer les flux contractuels et opérationnels pour éviter de créer une PE involontaire. C'est un domaine où l'expertise fiscale et juridique doit se conjuguer.

Renouvellement des avantages

Shanghai, comme d'autres zones en Chine, a historiquement offert divers avantages fiscaux pour attirer les investissements (taux préférentiels d'impôt sur les sociétés, exonérations temporaires, réductions). Beaucoup d'entreprises étrangères se sont installées en bénéficiant de ces politiques. Le risque survient lorsque ces avantages arrivent à expiration, ou lorsque les politiques changent. Une erreur courante est de supposer que le renouvellement est automatique, ou de ne pas anticiper les nouvelles conditions à remplir. La législation chinoise évolue rapidement, et les critères pour bénéficier d'incitations (par exemple, dans les zones de libre-échange, pour les entreprises high-tech certifiées, ou pour les projets encouragés) sont de plus en plus stricts et liés à des performances réelles (chiffre d'affaires, R&D, emploi qualifié).

Nous avons vu une entreprise de fabrication, bénéficiaire d'une exonération d'impôt sur les bénéfices pendant ses deux premières années de profits, puis d'une réduction de moitié les trois années suivantes. À l'issue de cette période, la direction a simplement continué ses opérations sans reconsidérer sa stratégie fiscale. Or, en se faisant certifier comme entreprise high-tech, elle aurait pu prétendre à un taux réduit de 15% au lieu du taux standard de 25%. Elle a perdu plusieurs années à appliquer un taux non optimisé par manque de planification. La leçon est qu'il faut gérer les avantages fiscaux comme un cycle de vie : monitorer les échéances, préparer les dossiers de renouvellement ou de transition bien à l'avance, et évaluer en permanence son éligibilité à de nouveaux régimes plus favorables. La conformité, ici, rime avec proactivité.

## Conclusion

Pour conclure, naviguer le paysage fiscal de Shanghai demande plus qu'une simple connaissance théorique des textes. Cela requiert une compréhension pratique des risques opérationnels, une vigilance de tous les instants et une culture de la documentation. Les points que nous avons abordés – prix de transfert, déductibilité, TVA, charges sociales, permanence fiscale et gestion des avantages – sont interconnectés. Une faille dans un domaine peut déclencher un examen approfondi des autres. Mon expérience me montre que les entreprises qui réussissent leur implantation à long terme sont celles qui intègrent la conformité fiscale dès la conception de leur projet, en font un dialogue continu avec leurs conseils et leurs autorités, et y voient un élément de gouvernance et de performance. L'environnement réglementaire chinois continuera d'évoluer, avec une digitalisation accrue des contrôles et une sophistication croissante des analyses. La clé, à mon avis, réside dans l'adaptabilité et la transparence. Ne subissez pas la réglementation ; apprivoisez-la. Anticipez, documentez, et construisez une relation de confiance avec les autorités basée sur le respect des règles. C'est le meilleur pari pour sécuriser votre investissement et votre croissance dans le marché dynamique mais exigeant de Shanghai.

## Perspective de Jiaxi Fiscal

Chez Jiaxi Fiscal, notre analyse des risques de conformité fiscale pour les entreprises étrangères à Shanghai va au-delà de la simple liste de points de contrôle. Nous observons une tendance lourde : la fiscalité chinoise entre dans une ère de « smart supervision », où la big data, l'IA et l'interconnexion des bases de données (fiscales, douanières, sociales, commerciales) permettent aux autorités de peindre un portrait extrêmement précis et en temps quasi réel de chaque entreprise. Dans ce contexte, les approches traditionnelles ou fragmentées de la conformité deviennent obsolètes et dangereuses. Notre perspective est qu'il faut désormais adopter une approche holistique et intégrée. Cela signifie connecter la stratégie commerciale, la structure juridique, les opérations quotidiennes et la reporting fiscal dans un cadre cohérent et documenté. Par exemple, un contrat commercial avec un client doit être rédigé en pensant déjà à ses implications en termes de lieu d'imposition, de TVA et de prix de transfert. La rémunération d'un expatrié doit être conçue en synchronisant l'IIT, les cotisations sociales et la déductibilité pour l'entreprise. Pour nous, l'accompagnement idéal n'est pas de répondre ponctuellement aux contrôles, mais de construire avec le client un écosystème fiscal résilient, agile et transparent, capable de s'adapter aux évolutions réglementaires et de démontrer sa conformité de