Introduction : Naviguer dans le paysage réglementaire des stations-service en Chine

Bonjour à tous, je suis Maître Liu. Après plus d'une douzaine d'années chez Jiaxi Fiscal à accompagner des entreprises étrangères dans leur implantation en Chine, et avec un parcours de quatorze ans dans les méandres des procédures d'enregistrement, j'ai vu défiler tous les secteurs. Aujourd'hui, je souhaite aborder avec vous une question qui revient souvent, et qui est bien plus complexe qu'il n'y paraît : Quelles sont les réglementations pour les investissements étrangers dans la construction et l'exploitation de stations-service ? Derrière cette interrogation technique se cache un véritable champ de mines administratif, mais aussi une opportunité de marché considérable dans un contexte de transition énergétique. Beaucoup d'investisseurs voient le réseau de distribution de carburant et d'énergie nouvelle comme un point d'entrée stratégique. Pourtant, entre les listes négatives, les approbations préalables, les normes environnementales et les exigences de sécurité, le chemin est semé d'embûches. Cet article vise à vous éclairer, non pas avec un jargon administratif indigeste, mais avec le regard pratique de quelqu'un qui a aidé à concrétiser ces projets. Nous allons décortiquer ensemble les principaux angles réglementaires, en s'appuyant sur des cas réels et sur l'évolution récente du cadre législatif chinois.

Cadre légal général

Le point de départ, c'est toujours le Catalogue des Industries pour l'Encouragement des Investissements Étrangers, régulièrement mis à jour. La construction et l'exploitation de stations-service y sont classées, et ce classement est crucial. Historiquement, ce secteur était fortement restreint. Aujourd'hui, la tendance est à l'ouverture, mais sous conditions. Il ne s'agit pas d'une activité "libre" pour les capitaux étrangers. L'investissement est généralement soumis à la forme de l'entreprise à capitaux mixtes (joint-venture), et l'investisseur étranger doit souvent démontrer une expérience internationale solide dans le domaine de la distribution pétrolière. Un de mes clients, un grand groupe énergétique européen, a dû fournir la preuve de l'exploitation d'au moins 500 stations dans le monde pour pouvoir entrer en négociation avec son partenaire chinois. Ce n'est pas écrit noir sur blanc dans une loi, mais c'est une exigence implicite des autorités et des partenaires potentiels, qui fait partie du "savoir-faire" nécessaire pour naviguer dans ce secteur.

Quelles sont les réglementations pour les investissements étrangers dans la construction et l'exploitation de stations-service ?

Ensuite, il faut comprendre la superposition des autorités. Le projet relève à la fois du Ministère du Commerce (MOFCOM) pour l'approbation de l'investissement étranger, de la Commission Nationale du Développement et de la Réforme (CNDR) pour le projet de construction en lui-même, et des autorités locales (Bureaux du Commerce, Bureaux de la Réforme et du Développement) pour les approbations déconcentrées. Sans oublier les départements spécialisés : Terre et Ressources pour le foncier, Écologie et Environnement pour l'étude d'impact, Urgence et Gestion pour la sécurité, et bien sûr, l'Administration du Marché pour la licence commerciale finale. Chacun a son propre calendrier et ses propres exigences documentaires. Une erreur courante est de penser que l'approbation du MOFCOM est la fin du processus. En réalité, ce n'est souvent que le feu vert pour commencer les démarches les plus longues et les plus techniques auprès des autres administrations.

Accès au foncier

L'obtention du terrain est probablement l'étape la plus critique et la plus imprévisible. En Chine, la terre est propriété de l'État. Pour une station-service, vous n'achetez pas le terrain, vous acquérez un droit d'usage du terrain à des fins commerciales, généralement pour 40 ans. L'acquisition se fait presque exclusivement par mise aux enchères publiques («招拍挂»). C'est là que les choses se corsent. Les municipalités ont des plans d'urbanisme stricts qui définissent les zones où les stations-service peuvent être implantées. Ces emplacements sont rares et très convoités. J'ai accompagné un investisseur qui a suivi un projet pendant 18 mois, tout était prêt, le partenaire local était trouvé, et au moment de l'enchère, un concurrent local a surenchéri de manière astronomique. Le projet est tombé à l'eau. Le conseil ici est de ne jamais compter sur un seul emplacement. Il faut avoir plusieurs options en parallèle et intégter le coût du foncier, souvent bien supérieur aux prévisions initiales, dans le modèle économique dès le départ.

De plus, l'évaluation environnementale préliminaire du site est de plus en plus stricte. Les autorités vérifient la proximité avec les cours d'eau, les zones résidentielles, les écoles. Une étude de sol est obligatoire pour détecter d'éventuelles pollutions antérieures. Si le terrain est classé comme "pollué", l'investisseur devient responsable de la dépollution, même s'il n'est pas à l'origine de la contamination. C'est un risque énorme. Dans nos due diligence, nous insistons toujours pour inclure une clause spécifique dans le contrat d'acquisition du droit d'usage qui répartit clairement les responsabilités et les coûts liés à une éventuelle pollution historique. C'est un point de négociation ardu avec les vendeurs (souvent des entités d'État locales), mais absolument non-négociable pour protéger l'investisseur.

Normes de construction

Une fois le terrain obtenu, le cahier des charges technique entre en jeu. Les normes chinoises pour les stations-service (GB 50156) sont extrêmement détaillées et peuvent différer sensiblement des standards européens ou américains. Tout est réglementé : la distance entre les réservoirs et la limite de la parcelle, l'épaisseur du béton des cuves, le système de récupération des vapeurs, le type de pompes, jusqu'à la signalétique et l'éclairage. Les services d'incendie ont un pouvoir de veto absolu sur les plans. Une expérience marquante : un client avait importé des pompes et des systèmes de contrôle dernier cri, conformes aux normes ATEX européennes. Les autorités de inspection locales les ont rejetées car elles n'étaient pas certifiées par un organisme de test chinois désigné. Il a fallu tout démonter et refaire avec de l'équipement local, entraînant des retards et des surcoêts considérables. La leçon est claire : il est impératif d'engager un cabinet d'ingénierie et de conception local, aguerri dans ce secteur, dès la phase de planification. Ils connaissent les attentes des inspecteurs et savent comment traduire les exigences internationales de votre groupe dans le cadre normatif chinois.

Par ailleurs, avec la montée en puissance des véhicules électriques, les normes évoluent rapidement pour inclure les bornes de recharge. Construire une station aujourd'hui sans prévoir l'infrastructure électrique et les emplacements pour les bornes, c'est se condamner à une obsolescence rapide. Les nouvelles directives encouragent, voire exigent dans certaines zones pilotes, la construction d'installations hybrides (carburants traditionnels + recharge électrique + parfois hydrogène). Cette évolution doit être intégrée dans le plan d'affaires et le permis de construire initial, car modifier un permis après-coup est une procédure lourde.

Licences d'exploitation

La construction terminée ne signifie pas que vous pouvez ouvrir. Il faut obtenir une série de licences, la plus importante étant la Licence pour les Opérations de Produits Pétroliers (成品油经营许可证). Cette licence est délivrée par le bureau du commerce provincial. Pour l'obtenir, il faut fournir, entre autres, un contrat d'approvisionnement à long terme avec une compagnie pétrolière possédant une licence de vente en gros, la preuve que les installations ont passé toutes les inspections (sécurité incendie, environnement, métrologie des pompes), et la licence commerciale de l'entreprise. Le processus est séquentiel : impossible d'obtenir la licence commerciale finale sans certains agréments préalables, et impossible d'obtenir la licence pétrolière sans la licence commerciale. C'est un véritable casse-tête administratif qui demande une planification méticuleuse.

Un autre point sensible est la licence de vente de produits chimiques dangereux, nécessaire si vous vendez du gazole ou de l'AdBlue. L'approbation des services de sécurité publique (公安部门) est requise. Ils vérifient les systèmes de surveillance, les procédures de gestion des stocks, la formation du personnel. J'ai vu des ouvertures retardées de plusieurs mois pour un détail dans le plan de caméra de surveillance qui ne couvrait pas un angle mort. Mon rôle est souvent de servir de médiateur et de traducteur entre les exigences parfois très procédurales des autorités et les standards opérationnels internationaux de nos clients, pour trouver une solution pratique qui satisfasse tout le monde sans compromettre la sécurité.

Conformité environnementale

La pression environnementale est croissante et constitue un risque opérationnel permanent. Les stations-service sont soumises à des inspections environnementales surprises fréquentes. Les contrôles portent sur les systèmes de récupération des vapeurs de la phase II (celles qui sont générées lors du remplissage du réservoir du véhicule), la gestion des eaux pluviales et des eaux de lavage, et bien sûr, la prévention des fuites des réservoirs souterrains. La loi sur la protection de l'environnement a été durcie, et les amendes peuvent être salées. Plus grave, en cas de pollution avérée, la station peut être fermée administrativement le temps de la remise en état.

La tendance est à l'installation de systèmes de monitoring en temps continu des réservoirs. Certaines municipalités exigent déjà la transmission en direct des données de pression et de niveau pour détecter toute fuite potentielle. Pour un investisseur étranger, cela représente un coût d'investissement initial plus élevé, mais c'est aussi une garantie à long terme. Dans nos recommandations, nous poussons toujours nos clients à aller au-delà du strict minimum réglementaire local, en appliquant leurs standards internationaux souvent plus stricts. Cela paie lors des inspections et construit une réputation de sérieux sur le marché chinois, de plus en plus sensible à ces questions.

Perspectives énergétiques

Il est impossible de parler de l'avenir des stations-service sans évoquer la transition énergétique. Le modèle traditionnel de vente de carburants fossiles est sous tension. L'investisseur avisé doit aujourd'hui voir la station-service comme une plateforme de distribution d'énergie multimodale. Les réglementations évoluent pour encadrer la recharge électrique (normes pour les bornes, tarification de l'électricité pour les opérateurs commerciaux) et, dans une moindre mesure pour l'instant, la distribution d'hydrogène. Investir dans une station aujourd'hui, c'est donc faire un pari sur le mix énergétique des 20 prochaines années.

Les autorités provinciales et municipales ont des plans de développement pour les infrastructures de véhicules à nouvelles énergies (NEV). Obtenir un permis de construire pour une station "traditionnelle" peut devenir plus difficile si votre projet n'inclut pas une composante NEV, surtout dans les zones urbaines ou le long des axes autoroutiers prioritaires. À l'inverse, des subventions ou des facilités d'accès au foncier peuvent être accordées pour les projets intégrant une forte proportion de bornes de recharge rapide. Il faut donc mener une analyse fine de la politique locale et anticiper ces évolutions dans le business plan. C'est là que le conseil d'un expert qui suit au quotidien l'évolution des textes dans différentes régions devient indispensable.

Conclusion : Un parcours exigeant mais structuré

Pour conclure, investir dans la construction et l'exploitation d'une station-service en Chine est un marathon réglementaire, et non un sprint. Les barrières à l'entrée sont élevées, délibérément, pour garantir la sécurité, la protection environnementale et un contrôle stratégique sur ce secteur sensible. La clé du succès réside dans une préparation méticuleuse, un partenariat local solide et choisi avec soin, et un accompagnement professionnel dès les premières phases de due diligence. Il ne s'agit pas seulement de comprendre la loi, mais d'anticiper comment elle sera appliquée localement, et de construire des relations de confiance avec les différentes administrations.

Malgré ces défis, le marché reste porteur pour ceux qui ont une vision à long terme et qui savent s'adapter à la transition énergétique. La station-service de demain sera un hub de services et de distribution d'énergies multiples. Pour l'investisseur étranger, la complexité réglementaire agit aussi comme une barrière protectrice une fois les obstacles franchis. Mon conseil personnel, après avoir vu tant de projets, est le suivant : soyez patient, budgétisez largement les coûts et les délais (ajoutez 30% de plus que vos estimations initiales), et ne sous-estimez jamais l'importance d'une équipe locale compétente et intégrée. L'aventure en vaut la peine pour qui est bien préparé.

Le point de vue de Jiaxi Fiscal

Chez Jiaxi Fiscal, avec notre expérience cumulative sur des centaines de projets d'investissement étranger, nous considérons le secteur des stations-service comme un domaine nécessitant une approche sur-mesure et proactive. Notre analyse va au-delà de la simple compilation des textes de loi. Nous insistons sur trois axes critiques : premièrement, une évaluation stratégique du choix du partenaire local, qui est souvent le facteur déterminant entre un projet fluide et un cauchemar administratif. Deuxièmement, une cartographie précise et séquentielle de l'ensemble des procédures d'approbation, en identifiant les points de blocage potentiels et les autorités "pilotes" pour chaque étape. Enfin, nous intégrons systématiquement une analyse de la future évolution réglementaire, notamment sur les aspects environnementaux et énergétiques, pour future-proof l'investissement de nos clients. Nous constatons que les projets qui réussissent sont ceux où l'investisseur est prêt à s'engager sur la durée, à écouter les conseils locaux sans perdre de vue ses standards internationaux, et à considérer la conformité non comme un coût, mais comme un investissement dans la pérennité et la réputation de son entreprise en Chine. Notre rôle est de traduire cette vision en un plan d'action opérationnel et réaliste, en étant le trait d'union entre les mondes réglementaire chinois et les impératifs business de nos clients.