La production et l'exploitation de programmes de radio et de télévision peuvent-elles impliquer une participation étrangère ? Un champ miné réglementaire pour investisseurs avertis
Bonjour à tous, je suis Maître Liu de Jiaxi Fiscal. Cela fait maintenant douze ans que j'accompagne les entreprises étrangères dans leur implantation en Chine, et quatorze ans que je navigue dans les méandres des procédures d'enregistrement et de conformité. Aujourd'hui, je vous propose de décortiquer une question qui revient souvent sur la table des investisseurs internationaux, surtout ceux attirés par le dynamisme du marché culturel chinois : la production et l'exploitation de programmes de radio et de télévision peuvent-elles impliquer une participation étrangère ? La réponse, comme souvent dans notre beau métier, n'est ni un simple "oui" ni un "non" catégorique. C'est un tableau complexe, nuancé, où les opportunités commerciales se heurtent à des lignes rouges réglementaires bien gardées. Cet article se base sur une analyse approfondie des textes en vigueur et de notre expérience terrain pour vous guider. Si vous pensez que le secteur des médias en Chine est un Far West ouvert à tous les capitaux, cet article est fait pour vous. Préparons-nous à explorer un paysage où la compréhension des règles du jeu est le premier capital à investir.
Le Cadre Légal Fondamental
Pour comprendre les possibilités de participation étrangère, il faut d'abord poser les fondations juridiques. Le secteur de la radio et de la télévision en Chine est régi par un principe cardinal : la souveraineté culturelle et la sécurité de l'information. Ce n'est pas qu'une formule, c'est le filtre à travers lequel toutes les politiques sont conçues. Le régulateur principal est l'Administration Nationale de la Radio et de la Télévision (NRTA). Les textes clés incluent les « Règlements sur l'administration de la radio et de la télévision » et, surtout, le « Catalogue des industries à investissement étranger » (dit « Catalogue négatif »). Ce dernier est la bible de tout investisseur. Actuellement, le Catalogue négatif liste explicitement les activités interdites ou restreintes. Pour la production et la diffusion de contenus, les restrictions sont substantielles. Par exemple, l'établissement et l'exploitation de stations de radio et de télévision sont strictement interdits aux investisseurs étrangers. Point final. C'est une ligne de défense non-négociable. Cependant, comme nous le verrons, ce n'est pas tout le tableau. La nuance apparaît quand on distingue la « production » de « l'exploitation » et qu'on entre dans le détail des modalités de coopération. Mon expérience m'a appris qu'ici, plus qu'ailleurs, il faut lire entre les lignes des textes et comprendre l'esprit des régulations, pas seulement leur lettre.
Je me souviens d'un client, un fonds d'investissement européen, fasciné par l'industrie du divertissement chinois. Ils arrivaient avec l'idée de prendre une participation directe dans une société de production télévisuelle établie. Notre premier travail a été de leur expliquer le paysage. Nous avons passé des heures sur le Catalogue négatif, à traduire non seulement les mots, mais les implications de chaque clause. Leur déception initiale a cédé la place à une stratégie plus sophistiquée. Cela illustre un point crucial : l'investissement dans ce secteur requiert une patience et une créativité juridique exceptionnelles. On ne peut pas foncer tête baissée ; il faut cartographier le terrain, identifier les zones d'ombre et de lumière, et parfois inventer des structures qui respectent l'esprit des règles tout en permettant une collaboration économique. C'est là que le conseil d'un expert qui a vu évoluer ces règles pendant plus d'une décennie devient indispensable.
La Production de Contenu
C'est dans le domaine de la production de programmes que les portes s'entrouvrent le plus. La réglementation autorise les coopérations sous forme de co-production, notamment avec des entités chinoises détenant les licences appropriées. Il existe deux modèles principaux : la co-production « intégrée » (où les parties partagent droits, risques et bénéfices) et la co-production « assistée » (où la partie étrangère fournit principalement des fonds ou des services techniques). Pour l'investisseur étranger, l'enjeu est de trouver un partenaire chinois fiable et bien licencié. Ce partenaire sera le gardien légal du projet, l'entité qui porte la responsabilité ultime devant les régulateurs. La participation étrangère dans le capital d'une société de production purement chinoise est, quant à elle, très encadrée et souvent soumise à approbation préalable, avec des plafonds de participation qui peuvent varier.
Un cas concret m'avait marqué il y a quelques années. Une société de production américaine souhaitait développer une série documentaire sur la Chine avec une maison de production locale de Shanghai. Le projet était culturellement sensible. Nous avons dû structurer l'accord de co-production de manière à ce que le contrôle éditorial final et la propriété du copyright en Chine reviennent clairement au partenaire chinois. Les apports financiers et techniques étrangers étaient détaillés, mais les droits de distribution sur le territoire chinois étaient séparés de ceux pour le reste du monde. C'est un schéma classique. La clé du succès a été la transparence totale avec le partenaire chinois et une communication proactive avec les autorités locales de la radio-télévision pour s'assurer que la structure était conforme. Cela a évité un rejet coûteux en bout de chaîne.
L'Exploitation et la Diffusion
Si la production offre des marges de manœuvre, le domaine de l'exploitation et de la diffusion est un champ bien plus miné. Comme évoqué, les licences de diffusion hertzienne (radio, TV) sont absolument hors de portée pour un investisseur étranger. En revanche, le paysage se complexifie avec l'avènement des plateformes de diffusion en ligne (OTT, streaming). Les régulations concernant les services de diffusion audio-vidéo par internet (souvent régis par les licences « Information Network Dissemination Audio-Video Program License ») sont également très protectrices. Théoriquement, les entreprises à capitaux étrangers ne peuvent pas obtenir directement ces licences. Cependant, des structures complexes, comme les Joint Ventures (JV) dans des zones pilotes ou sous des conditions très spécifiques, ont parfois été envisagées, mais elles restent l'exception et sont soumises à un examen extrêmement rigoureux.
La réalité du terrain, que je constate quotidiennement, est que la plupart des acteurs étrangers entrent sur le marché de la diffusion en ligne via des accords de licence de contenu avec des titulaires de licence chinois (comme iQiyi, Tencent Video, Youku). Ils vendent les droits de diffusion de leurs programmes, mais ne participent pas à l'exploitation de la plateforme elle-même. Toute tentative de contournement, comme l'utilisation de structures enveloppes (VIE) dans ce secteur particulièrement sensible, est extrêmement risquée et déconseillée. Les régulateurs ont une tolérance zéro pour ce qu'ils perçoivent comme des tentatives de dilution de leur contrôle sur le contenu diffusé au public chinois. Un mauvais calcul sur ce point peut mener non seulement à l'échec du projet, mais aussi à des sanctions dommageables pour la réputation.
Les Zones de Libre-Échange
Un angle essentiel pour les investisseurs est l'étude des politiques spécifiques dans les Zones de Libre-Échange (ZLE) pilotes, comme celle de Shanghai (Linqiao) ou de Hainan. Ces zones servent de laboratoires pour tester l'assouplissement de certaines restrictions. Par le passé, des annonces ont laissé entrevoir la possibilité, sous conditions, de permettre aux sociétés sino-étrangères de co-production établies dans ces zones de s'engager dans des activités liées à la diffusion. L'idée est d'attirer les compétences et capitaux étrangers pour développer des clusters industriels de haute qualité. Cependant, et c'est un point sur lequel j'insiste toujours auprès de mes clients, ces politiques sont expérimentales, sujettes à interprétation et à changement.
Travailler dans ce cadre nécessite une étroite collaboration avec les bureaux administratifs locaux de la ZLE et les autorités culturelles. J'ai accompagné un studio d'animation sino-japonais qui souhaitait s'installer dans la ZLE de Shanghai pour bénéficier de ces politiques. Le processus a été long. Il a fallu démontrer la valeur culturelle et technologique du projet, garantir que le contenu répondait aux critères nationaux, et négocier les termes de la JV. Finalement, l'autorisation a été obtenue, mais avec un cahier des charges très strict sur la proportion de personnel chinois senior dans l'équipe créative. Cela montre que même dans les zones les plus « libéralisées », le contrôle sur le contenu et son origine reste une priorité absolue.
Les Risques et Pièges Courants
Au-delà des règles écrites, le plus grand défi réside souvent dans les pièges opérationnels et culturels. Le premier risque est celui de la « dépendance au partenaire ». Votre succès légal et commercial repose entièrement sur l'intégrité et la compétence de votre partenaire chinois titulaire de la licence. Une due diligence approfondie est non-negotiable. Le deuxième risque est lié à l'examen du contenu. Tout programme, même co-produit, doit passer par le processus d'examen et d'approbation des autorités avant diffusion. Un investisseur étranger peut voir son investissement gelé ou perdu si le contenu est jugé non conforme, pour des raisons qui peuvent parfois sembler imprévisibles à un esprit occidental.
Un autre piège fréquent concerne la structure des contrats. Beaucoup d'investisseurs se focalisent sur les aspects financiers et de propriété intellectuelle globale, mais négligent les clauses spécifiques au marché chinois : qui porte la responsabilité devant le régulateur ? Qui gère la relation avec le censeur ? Comment sont répartis les droits d'exploitation géographiques (Chine vs. hors Chine) ? J'ai vu des contrats où ces points étaient flous, menant à des conflits coûteux. Ma recommandation est toujours de prévoir des mécanismes de gouvernance clairs et des clauses de sortie réalistes en cas de blocage réglementaire. Il ne s'agit pas de méfiance, mais de professionnalisme et de reconnaissance des réalités du marché.
Perspectives d'Évolution
Quel avenir pour la participation étrangère dans ce secteur ? Il est peu probable de voir une libéralisation brutale des règles fondamentales de contrôle des ondes. La radio et la télévision restent des outils perçus comme vitaux pour la cohésion sociale et la sécurité nationale. Cependant, la frontière pourrait continuer à bouger à la marge, notamment sous la pression de deux forces. D'une part, la concurrence internationale dans l'industrie créative pousse la Chine à vouloir attirer des talents, des technologies et des standards internationaux pour renforcer son « soft power ». D'autre part, l'explosion des nouveaux médias (streaming, réseaux sociaux, réalité virtuelle) crée des zones grises réglementaires que les autorées tentent de combler, parfois en ouvrant des espaces contrôlés pour l'expérimentation.
À mon avis, la tendance sera vers un assouplissement ciblé et conditionnel, plutôt que vers une ouverture générale. On peut s'attendre à ce que les ZLE continuent à jouer un rôle de test, peut-être en étendant les possibilités pour les JV dans la post-production, les effets spéciaux, ou la distribution numérique de niche. Pour l'investisseur, la stratégie gagnante sera de proposer une valeur ajoutée claire (technologie, expertise narrative, accès aux marchés internationaux) tout en affichant un profond respect pour les normes culturelles et réglementaires chinoises. L'ère du « capital muet » cherchant simplement un rendement financier dans les médias chinois est révolue, si elle a jamais existé.
Conclusion
En résumé, la question « La production et l'exploitation de programmes de radio et de télévision peuvent-elles impliquer une participation étrangère ? » appelle une réponse en deux temps. Pour l'exploitation des fréquences de diffusion traditionnelle, la réponse est non, de manière catégorique. Pour la production de contenu et les activités liées aux nouveaux médias, la réponse est « oui, mais sous conditions strictes, par le biais de coopérations structurées, et jamais sans un partenaire chinois agréé comme pilote légal dans le cockpit ». Les opportunités existent, notamment dans la co-production et les services techniques de pointe, mais elles sont encadrées par un filet réglementaire dense.
L'objectif de cet article était de fournir une carte réaliste de ce paysage complexe, en allant au-delà des généralités. L'importance du sujet ne fait que croître à l'ère du contenu numérique global. Pour les investisseurs, la clé n'est pas de se décourager par la complexité, mais de l'appréhender avec le bon état d'esprit et le bon accompagnement. Le succès appartient à ceux qui combinent une vision commerciale avec une humble soumission aux règles du jeu local. Il faut voir ces régulations non comme des barrières arbitraires, mais comme les paramètres constitutifs du marché lui-même. Les recherches futures devraient se concentrer sur l'analyse comparative des succès et échecs des co-productions, et sur le monitoring fin des évolutions dans les Zones de Libre-Échange, qui seront les baromètres des changements à venir.
Le point de vue de Jiaxi Fiscal
Chez Jiaxi Fiscal, avec notre expérience cumulative de plus d'une décennie au service des investisseurs étrangers et notre expertise pointue en procédures d'enregistrement, nous considérons le secteur de la production et de l'exploitation audiovisuelle comme l'un des plus exigeants, mais aussi potentiellement gratifiants, pour nos clients. Notre perspective est pragmatique. Nous ne vendons pas de rêves d'ouverture totale, mais nous identifions et sécurisons les voies d'accès légales et pérennes. Nous voyons la participation étrangère non comme une question de « contrôle », mais de « collaboration à valeur ajoutée ». Notre rôle est de traduire les ambitions créatives et commerciales de nos clients en structures juridiques et opérationnelles solides, qui résistent à l'examen des autorités. Nous insistons particulièrement sur la phase de due diligence du partenaire chinois et sur la rédaction « prévisionnelle » des contrats, qui anticipe les points de friction réglementaire. Pour nous, un projet réussi dans ce domaine est celui où l'investisseur étranger comprend et respecte les limites du système, tout en y trouvant un espace suffisant pour réaliser ses objectifs stratégiques et créer une valeur mutuelle avec son partenaire local. La clé, selon notre expérience, réside dans la préparation méticuleuse, la transparence et une relation de confiance à long terme avec toutes les parties prenantes, y compris, dans la mesure du possible, les autorités concernées.