Fausses factures
Ah, les fausses factures... Un classique, mais un classique qui fait toujours mal. C'est probablement le risque le plus direct et le plus sévèrement réprimé. Ici, on ne parle pas seulement de ces factures achetées à des inconnus dans la rue (même si ça existe encore, hélas). Les formes sont devenues plus sophistiquées. Prenons l'exemple d'une entreprise manufacturière que nous accompagnions. Pour gonfler ses coûts et réduire son bénéfice imposable, elle avait mis en place un système complexe avec des fournisseurs « associés ». Ces fournisseurs lui émettaient des factures pour des services de conseil ou de logistique largement surévalués, voire fictifs. Le tout était « habillé » par des contrats en bonne et due forme. Le problème ? Aucune substance économique réelle ne venait étayer ces montants. Lors du contrôle, l'administration a demandé les preuves de la réalisation des services : plans de travail, rapports, traces de communication, personnels dédiés... Rien de tout cela n'existait. La sanction a été lourde : redressement, amendes, et même des poursuites pénales pour le responsable financier. La leçon est claire : chaque yuan déduit doit correspondre à un flux économique authentique et justifiable. Les autorités utilisent maintenant le « Golden Tax System IV » qui croise massivement les données : la facture que vous émettez, votre fournisseur la déclare-t-il comme revenu ? Les montants, les dates, tout est analysé par des algorithmes. Jouer avec le feu sur ce point, c'est s'exposer à des risques démesurés.
D'ailleurs, un autre angle d'attaque fréquent concerne les déductions d'input tax (TVA récupérable) sur des actifs immobiliers ou des véhicules. Certaines entreprises tentent de récupérer la TVA sur des achats à usage mixte (professionnel/personnel) ou sur des biens qui, en réalité, ne sont pas strictement nécessaires à l'activité de production. L'administration est devenue très pointilleuse sur la justification du lien direct avec l'activité imposable. Ma réflexion, après toutes ces années, c'est que la tentation de « gratter » quelques points de marge via ce biais est forte, mais le jeu n'en vaut vraiment plus la chandelle. La transparence et la documentation rigoureuse sont vos meilleures alliées.
Prix de transfert
Là, on entre dans le vif du sujet pour les groupes multinationaux. Le prix de transfert, c'est le prix auquel des entités liées d'un même groupe s'échangent des biens, des services ou de la propriété intellectuelle. C'est un domaine où la créativité comptable peut être grande, mais où l'administration chinoise a considérablement renforcé ses compétences. L'objectif des autorités est simple : s'assurer que les bénéfices réalisés en Chine sont imposés en Chine, et ne sont pas artificiellement transférés vers des juridictions à faible fiscalité via des prix anormaux. Je me souviens d'un client, une filiale d'un groupe européen, qui achetait des composants clés à sa société sœur située dans un paradis fiscal. Le prix était bien supérieur à celui du marché. Résultat ? Des pertes chroniques en Chine malgré une activité commerciale dynamique. L'administration a procédé à un ajustement de prix de transfert, en se basant sur le principe de pleine concurrence, et a réintégré des millions de bénéfices.
La documentation est devenue l'élément central. Vous devez pouvoir présenter un dossier de prix de transfert (« Local File » et « Master File ») solide, démontrant que vos prix sont alignés sur ce que pratiqueraient des entreprises indépendantes dans des circonstances comparables. Les méthodes (marge nette transactionnelle, prix comparable sur le marché libre, etc.) doivent être bien appliquées. L'administration n'hésite plus à contester des schémas qui lui semblent abusifs, même s'ils sont légalement enregistrés ailleurs. Mon conseil ? Ne considérez pas la politique de prix de transfert comme une simple formalité administrative. C'est un élément stratégique qui doit être réfléchi en amont, avec une substance économique en Chine (des fonctions, des actifs et des risques réels) à la hauteur des bénéfices déclarés.
Bénéfices anormaux
« Pourquoi votre entreprise, avec un chiffre d'affaires en croissance, affiche-t-elle des marges constamment inférieures à la moyenne du secteur ? » Cette question, les contrôleurs fiscaux la posent de plus en plus souvent. L'analyse des ratios sectoriels est un outil puissant dans leur arsenal. Si vos performances financières s'écartent durablement et significativement des benchmarks de votre industrie, cela allume un signal d'alarme. Cela peut indiquer des pratiques d'évasion, mais aussi simplement une mauvaise gestion ou des circonstances particulières. Dans tous les cas, il faut être prêt à justifier cet écart. J'ai vu une entreprise de services high-tech qui, pendant trois ans, a déclaré des marges proches de zéro, alors que ses concurrents directs affichaient des marges de 15 à 20%. L'explication initiale – « concurrence féroce » – n'a pas convaincu. Après investigation, une partie des revenus était en réalité canalisée via une structure contractuelle opaque vers une autre entité.
La leçon ici est qu'il ne suffit plus de présenter des comptes « légaux » ; ils doivent aussi être « plausibles » au regard de la réalité économique du marché. L'administration dispose de vastes bases de données pour établir ces moyennes sectorielles. En tant qu'investisseur ou gestionnaire, il est crucial de comprendre où se situe votre entreprise par rapport à ces références et d'avoir une narration financière solide pour expliquer les divergences. Parfois, cela peut révéler des inefficacités opérationnelles qu'il est utile de corriger.
Avantages fiscaux indus
La Chine propose de nombreux programmes d'incitation fiscale (pour les entreprises high-tech, les sociétés de logiciels, les zones de développement, etc.). C'est une bonne chose. Le problème survient lorsque les entreprises cherchent à bénéficier de ces avantages sans en remplir réellement les conditions. C'est un domaine d'enquête très actif. Par exemple, le statut d'« Entreprise High-Tech » (HTE) accorde un taux d'IS réduit à 15%. Pour l'obtenir, des critères stricts en matière de R&D, de personnel qualifié et de revenus issus de produits/services high-tech doivent être remplis. Certaines entreprises « fabriquent » des activités de R&D ou externalisent la propriété intellectuelle de manière artificielle pour cocher les cases. Les autorités vérifient désormais la substance : y a-t-il vraiment des chercheurs ? Les projets de R&D sont-ils documentés et cohérents avec l'activité ? Les brevets sont-ils exploités commercialement ?
J'ai accompagné une société qui avait perdu son statut HTE après un contrôle. Leurs dossiers de projets R&D étaient vagues, copiés-collés d'année en année, sans lien avec les nouveaux produits lancés. Le crédit d'impôt recherche qu'elles avaient pris était considéré comme indû, entraînant un redressement majeur. La clé est de considérer ces avantages non comme un dû, mais comme la récompense d'une activité réelle et substantielle. La documentation doit être précise, continue et refléter la vérité des opérations. Sinon, l'avantage se transforme en passif avec intérêts.
Transactions liées
Ce point rejoint et dépasse le prix de transfert. Il s'agit de l'ensemble des transactions entre l'entreprise et ses actionnaires, dirigeants, ou toute entité liée. Les prêts sans intérêt ou à taux anormalement bas d'une société mère à sa filiale, les ventes d'actifs en dessous de leur valeur marchande, la prise en charge de dépenses personnelles par la société... Tout cela est scruté. L'idée est d'empêcher le drainage des bénéfices hors du périmètre imposable ou la dilution artificielle de l'assiette fiscale. Une pratique courante que l'on voit est celle des « prêts actionnaires » importants et permanents. Si ces prêts ne portent pas un intérêt conforme au marché (ou ne sont pas remboursés), l'administration peut considérer qu'il s'agit en réalité d'une distribution déguisée de dividendes (imposable pour l'actionnaire) et réintégrer un intérêt fictif dans les résultats de la société.
La règle d'or est l'arm's length principle (principe de pleine concurrence) : toute transaction avec une partie liée doit être menée comme si elle l'était avec un tiers indépendant. Cela nécessite des conventions écrites, des justifications économiques et une documentation. C'est un point de vigilance permanent dans la gouvernance d'entreprise. Négliger ces formalismes, sous prétexte que « c'est de la famille » ou « c'est le même groupe », expose à des risques certains lors d'un audit.
Évasion via le e-commerce
L'explosion du commerce en ligne et des plateformes a ouvert de nouveaux fronts. Les autorités se concentrent sur les vendeurs individuels ou les petites entreprises qui opèrent sur des plateformes comme Taobao, Tmall ou JD sans enregistrement commercial approprié et sans déclarer leurs revenus. Mais au-delà des micro-ventes, les schémas peuvent concerner des entreprises établies. Par exemple, la reconnaissance des revenus dans un modèle B2B ou B2C complexe, la localisation des ventes pour la TVA et l'IS, ou l'utilisation d'entités dans des zones fiscales privilégiées pour héberger des activités de vente en ligne tout en réalisant les opérations logistiques ailleurs. La digitalisation permet aussi à l'administration de tracer les flux financiers avec une précision inédite, y compris ceux passant par des systèmes de paiement tiers (Alipay, WeChat Pay). L'opacité n'est plus une option viable, même dans l'économie digitale. Pour les investisseurs dans ce secteur, la conformité des modèles opérationnels et la robustesse des systèmes de facturation et de reporting sont des éléments due diligence essentiels.
Conclusion et Perspectives
Pour résumer, la lutte contre l'évasion fiscale en Chine se caractérise par une approche de plus en plus ciblée, technique et data-driven. Les domaines clés que nous avons passés en revue – fausses factures, prix de transfert, bénéfices anormaux, avantages indus, transactions liées, et le nouveau terrain du e-commerce – forment un paysage de risques où la substance économique et la documentation sont les maîtres-mots. L'objectif des autorités est clair : protéger l'assiette fiscale nationale tout en créant un environnement de concurrence loyale. Pour nous, investisseurs et conseils, l'importance de comprendre ces domaines est stratégique : c'est la condition sine qua non d'une implantation pérenne et sereine.
Regardant vers l'avenir, je pense que la tendance va se renforcer. L'intégration des données (« Golden Tax IV » et au-delà), l'échange automatique d'informations avec d'autres juridictions (CRS), et la sophistication croissante des outils analytiques (big data, AI) vont rendre les pratiques agressives de plus en plus visibles et risquées. La « compliance fiscale » ne sera plus une fonction back-office, mais un élément central de la stratégie et de la réputation d'une entreprise en Chine. Mon opinion personnelle, forgée par ces 26 années sur le terrain, est que le meilleur « plan d'optimisation » est une activité réelle, bien structurée, et accompagnée d'un conseil professionnel de qualité pour naviguer dans les complexités réglementaires en toute transparence. Chercher la confrontation ou les angles morts est un jeu perdant à moyen terme.
--- ### Perspective Jiaxi Fiscal sur les Domaines Clés d'Enquête Fiscale Chez Jiaxi Fiscal, nous analysons ces domaines clés non comme une simple liste de contrôles, mais comme une cartographie des attentes réglementaires. Notre expérience nous montre que la réponse adéquate ne réside pas dans la contournement, mais dans l'alignement stratégique. Nous conseillons à nos clients une approche proactive : 1) **Audit de vulnérabilité** : Évaluer, à l'aune de ces domaines, les points faibles potentiels dans leurs opérations et structures actuelles. 2) **Substance et documentation** : Renforcer la substance économique des opérations en Chine et bâtir des dossiers documentaires solides, contemporains et défendables pour chaque point sensible (prix de transfert, R&D, transactions liées). 3) **Veille et adaptation** : Intégrer une veille réglementaire active pour anticiper les évolutions, comme la focalisation croissante sur l'économie numérique ou les critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) qui pourraient influencer la fiscalité. Pour nous, l'objectif est de transformer la contrainte réglementaire en un levier de gouvernance robuste et de pérennité pour l'investissement en Chine. Une conformité bien gérée est un atout concurrentiel et un gage de confiance vis-à-vis des autorités et des marchés.